L’Enfant qui portait le monde

d’après « Amal et la lettre du roi » de Rabindranath Tagore et « Kim » de Rudyard Kipling – Partenaires | Coproducteurs en recherche

Amal BD

L’HISTOIRE

Amal a 11 ans. Amal veut vivre pleinement sa vie, mais les médecins l’obligent à garder le lit en raison de sa jeunesse maladive. Etre enfermé quand il y a tant à découvrir… Face au silence et au déni de son oncle adoptif, Amal se révolte et se perd dans ses rêves, jusqu’à ce qu’il accède à la magie de l’univers, guidé par un mystérieux voyageur. A quel prix ?

Le destin d’Amal se joue en ces heures tourmentées. Celles des ambitions sans limites, mais aussi des illusions les plus cruelles et des grandes tentations, à une étape charnière : l’entrée dans l’âge d’homme. Prélude chaotique d’une vie nouvelle. Inconnue. Fragile. Fébrile. Inachevée. Entre conte initiatique et théâtre d’apprentissage, L’Enfant qui portait le monde propose une vision en clair-obscur de l’enfance face à la peur de la mort et au désir de liberté. Au-delà du drame violent que reflète la sortie de cet état d’enfance, c’est aussi l’amour toxique parents-enfants que dénonce cette pièce de transition sombre, mystique et tendre. Tendresse pour ce garçon qui consume sa vie depuis sa chambre et fait comme si le monde l’attendait, avec une volonté de vivre viscérale, un appétit presque charnel. Tendresse pour cet oncle impuissant, écrasant et pathétique, qui porte à bout de bras cet enfant qui lui échappe. Une métaphore de la mort comme rite de passage à l’âge des métamorphoses. Jeune. Trop jeune. Et pourtant…

Première étape de travail : quelques images tournées le 17 mai 2018 dans le cadre d’une lecture à la Maison des Auteurs de la SACD.


NOTE D’INTENTION

Une voix trouble. Des bras trop grands. Des jambes trop petites. Pas assez de poils. Trop de poils. Des poils ? Un peu… Fais voir ?

Ce corps en mutation est une curiosité. Une bizarrerie. L’objet de toutes sortes de moqueries. Et puis il y a les pulsions. Les tentatives de suicide, plus ou moins conscientes, chez l’enfant de dix ou onze ans. Une réalité que beaucoup d’adultes ne veulent pas voir, enfermant leurs chères têtes blondes dans la douceur ouatée et mensongère d’une enfance qui se perd. Préado. Cet être hybride, étrange et maladroit, que peut-il dire ? Trop jeune. Trop vieux. Pas vraiment ado. Alors quoi ? Lui ne trouve pas sa place dans une société où l’on passe son temps à vous coller des étiquettes. De toute façon il n’a pas l’âge. Quel âge d’ailleurs ? Un entre-deux âges. Un entre-deux-mondes. Et ses codes, ses rituels, ses coups de gueule et ses silences. Laisse tomber, ça lui passera. C’est l’âge bête il fait sa crise. Crise de croissance. Une bouture qui prend pas. Ou mal. Une pathologie, une maladie, à laquelle on survit. Ou pas. Il paraît qu’un gêne est responsable de tout ça. KiSS-1. Un simple gène pour activer ce mal mystérieux et inguérissable que l’adulte cherche à étouffer et à combattre, parce qu’il ne le comprend pas : la puberté.

Ma rencontre avec la pièce Amal et la lettre du roi s’est faite après un vécu hospitalier douloureux et juste avant la naissance de mon fils. Avec la prise de conscience que mettre au monde un enfant, c’était aussi, en tant que parent, devoir vivre avec l’angoisse de le perdre à tout moment. La maladie bien sûr, les accidents, la malveillance, mais aussi tout simplement, l’inévitable passage à l’adolescence et son cortège d’expériences morbides et de non-dits. Je me suis souvenue à quel point la sortie de cet état d’enfance avait été pour moi des plus violentes. Peut-être parce que je n’y étais pas préparée. Mais au final j’ai eu de la chance. La greffe a pris. J’ai pas poussé bien droit, mes tuteurs n’étaient pas terribles, mais j’ai poussé quand même. Contrairement à certaines de mes amies qui n’ont pas réussi à franchir ce cap… Et les mots que j’ai cherchés pendant des années étaient là, contenus dans ce texte rare, méconnu, sensible et pudique de Rabindranath Tagore. J’ai été touchée par la foi de cet homme en l’humanité, par sa vision poétique du monde et son amour inconditionnel de la vie, en dépit de ses événements tragiques.

Il faut oser grandir. Si j’ai choisi d’adapter et de porter ce texte, c’est pour tenter de redonner la parole à un âge où l’on ne vous écoute pas, où l’on ne vous voit pas. L’Enfant qui portait le monde est une pièce de transition dédiée à toutes ces mauvaises graines qui se sont battues ou qui se battent encore pour se développer et s’épanouir envers et contre tou(t)s.

Marianne Ayama, metteur en scène, auteur-adaptatrice

L'Enfant qui portait le monde

 Illustration : Edouard Turlan – Crédit photo : Stéphane Bouquet